Annonce et découverte du handicap : des rites exclusion aux rites d’inclusion

Entrer dans l’état de handicap est pour l’intéressé comme pour sa famille et ses proches, un « passage » d’un monde dans un autre, de celui des « valides » à celui des personnes handicapées. Ou plutôt d’avoir à affronter, au quotidien, un nombre incalculable d’obstacles constitués de barrières architecturales et de rejets aux multiples facettes de la part des autres. C’est ne plus regarder la vie comme avant et choisir en fonction non plus de ses désirs mais de l’absence de contraintes ou d’obstacles infranchissables. Ce passage, pour être réussi appelle un rituel qui doit aider à réussir au mieux cette transition d’un état vers l’autre. Ce rite est ici ce qu’il est convenu d’appeler « l’annonce« . Nos habitudes sociales ont évacué la pratique des rites positifs en ignorant que cela détruisait le lien social.

Le rite et la vie sociale.

Il convient de s’arrêter un moment sur l’importance des rites dans la vie sociale (« Une société ne peut pas vivre sans rites », L.V. Thomas).
« Le rite apparaît comme une assurance qu’on s’invente pour maîtriser l’épisodique et l’aléatoire. Il permet de dépasser l’angoisse ». Il fixe les repères de l’organisation de notre vie personnelle et sociale. Certains demeurent des “habitudes de vie“, d’autres ponctuent les faits marquants de la vie sociale. Ces derniers ont été dénommés « rites de passage » par l’ethnologue Arnold Van Gennep. Ils ponctuent les étapes importantes de la vie d’un être humain de sa naissance à sa mort incluant l’adolescence, l’acquisition de diplômes, la remise de décoration, de prix, le mariage, la retraite. Le rite est une forme visible, affichée, des liens entre la personne et la collectivité sociale et de reconnaissance mutuelle. C’est un élément essentiel pour l’individu de reconnaissance et l’identification sociales et, pour la société, d’inclusion sociale et de structuration de l’ordre social. « L‘Anthropologie voit dans le rite une forme privilégiée d’affirmation d’un ordre commun » (Dictionnaire critique d’action sociale). « En consacrant l’intégration de l’individu à la société globale par l’intermédiaire de groupes d’appartenance, et par l’assimilation de normes, le rite devient un facteur essentiel de cohésion sociale » (Dictionnaire critique d’action sociale).
Parler du rite est d’actualité dans notre société qui se caractérise par l’appauvrissement des liens sociaux et le développement de rites violents inversés. Ceci est particulièrement vrai en handicapologie où l’on peut opposer les « rites d’inclusion » aux « rites d’exclusion » ou de rejet.

Le médecin et l’annonce.

La nouvelle réforme des études médicales qui vient de se mettre en place a introduit un module obligatoire sur le handicap qui est malencontreusement dénommé « déficiences, handicap et dépendance » (« handicap, autonomie et réadaptation » aurait été préférable car moins stigmatisant et davantage porteur de solutions positives). Les intitulés choisis orientent malencontreusement le futur médecin vers un mode d’expression qui met surtout en valeur les aspects négatifs d’une situation déjà difficile pour le principal intéressé et ses proches. On favorise, de cette façon, le développement d’une médecine de la déficience et de l’exclusion au détriment d’une médecine de la réadaptation et de l’inclusion avec participation sociale. Son enseignement est inhomogène dans les Facultés de médecine françaises et n’est pas toujours confié à des médecins spécialisés. L’assistance aux cours n’est pas obligatoire et est inégale. Il y aura donc beaucoup à faire encore pour infléchir les préjugés et le comportement du corps de santé face au handicap et à la façon de l’annoncer. L’évolution de l’état d’esprit du corps de santé sera parallèle à celle de toute la population : l’image du handicap chez les « blouses blanches » n’est, en fait, que la projection de l’image qu’en a la société à laquelle ils appartiennent.

Ce nouveau module de l’enseignement des médecins a aussi pour objectif de combler le manque de connaissances des médecins sur les possibilités de la rééducation et sur la méthodologie de la réadaptation. Ceci impliquerait aussi une formation pratique, le plus souvent défaillante par manque de services compétents, avec un accueil en stage dans les services spécialisés puisque c’est avec les patients (ici les personnes en situation de handicap que l’on apprend véritablement la médecine.) « Il n’y a pas de meilleur livre que le malade » disait déjà Baglivi, un pionnier de la médecine clinique, au 18ème siècle.
Le Collège national des Professeurs de Médecine Physique et de Réadaptation a édité (éditions Masson) un ouvrage national, collectif qui comporte un chapitre « handicap mental » qui a été, dans sa première édition, soumis au conseil scientifique de l’UNAPEI pour avis et approbation.
Malgré les réserves que nous avons faîtes, l’inscription officielle du handicap dans les études médicales constitue un progrès notoire et doit être exploitée.

Le droit de savoir et l’annonce du handicap. Les mots pour le dire.

Le devoir d’information, renforcé par la loi du 4 mars 2002 sur le droit des patients, a induit dans le corps de santé un comportement d’explications et d’information dont l’abondance et le « réalisme« , quand ce n’est pas la froideur ou même la brutalité, ne sont pas appropriées face à la fragilité des personnes qui reçoivent le message. L’accent est mis sur les manques, le plus souvent sans proposition de solutions et de conduite à tenir ou de façon vague. On sait aussi que l’accès à l’information dans ce domaine éclaté et disparate est très difficile. On sait aussi qu’il y a un manque d’offre scandaleux très bien dénoncé dans la lettre à Jaques Chirac de Julia Kristeva qui évoque le tribunal d’honneur présidé par le Docteur Roger Salbreux, réuni le 15 mai 2002 qui a reconnu coupables, à l’unanimité, tous les premiers ministres et tous les ministres de la santé depuis 1996. Elle fait aussi le constat de la faillite et de la caducité de la loi de 1975 qui ne vaut pas la peine d’une réforme mais doit être remplacée par des dispositions juridiques audacieuses répondant à la modernité. Nous estimons, personnellement, qu’aujourd’hui nous n’en avons pas pris le chemin. Bien au contraire nous reculons ! Dans un tel contexte, l’annonce est douloureuse.

Que peut faire le médecin ? Tout d’abord il se doit de rester un être humain et de ne pas abandonner la personne handicapée, ni la considérer comme « incurable » ou « chronique« . Il ne doit pas mentir ou fuir les questions. C’est ce que reprochent aux médecins certaines personnes handicapées que nous avons suivies, notamment un médecin traumatisé cérébral : « aucun médecin ne m’a dit que je resterai handicapé !« . Il en est de même de l’anthropologue américain, devenu paralysé par maladie, qui indique que les médecins très compétents et attentifs à son état sphinctérien urinaire, à l’adaptation de son fauteuil roulant ne lui ont jamais posé la question qu’il attendait : « qu’est-ce que cela vous fait d’être tétraplégique ?« . »Être handicapé » sone dans l’esprit de ceux qui l’entendent comme un lourd verdict social, surtout si les fonctions qui caractérisent le plus l’Homo sapiens sapiens que nous sommes sont compromises : marcher, parler, penser, prendre. Un tel constat ne peut se faire sans mettre en parallèle les possibilités de la rééducation et de l’adaptation-réadaptation. C’est pourquoi la présence d’un médecin spécialiste de médecine Physique et de réadaptation auprès du spécialiste qui a fait le diagnostic est, selon nous, nécessaire. En effet le diagnostic n’est pas seulement « lésionnel », il est aussi « fonctionnel » et doit être centré sur les fonctions qui sont respectées et/ou qui peuvent être transformées plutôt que sur les lésions objectivées par l’imagerie qui ne sont pas nécessairement des indicateurs de gravité. Bref on ne peut annoncer des lésions sans proposer des solutions porteuses d’un espoir lucide. Il est important de prendre le temps, d’écouter et de tenir compte de ces dimensions essentielles de la personne que sont la subjectivité et l’affectivité, dans lesquelles les préjugés culturels, les peurs, les tabous, la culpabilité et la honte jouent un si grand rôle. L’annonce concerne l’enfant ou l’adulte en situation de handicap et ses proches, ce qui inclut aussi la fratrie qui partagera les situations de handicap du frère ou de la sœur concerné.

La notion de « deuil« , par analogie avec le vocabulaire psychanalytique, est souvent évoquée. Nous ne l’aimons pas car elle introduit un aspect négatif et de frustration. A moins d’introduire le deuil, comme le fait Edgar Morin, que nous avons légèrement modifié : « Le deuil exprime socialement l’inadaptation individuelle à une perte mais en même temps il est ce processus social d’adaptation qui tend à refermer la blessure des proches ». C’est ce même auteur qui estime que si l’Homme est en cours d’hominisation, il n’est pas certain qu’il soit en cours d’humanisation. Ceci commence avec le bureau du médecin dont on ne doit jamais sortir plus mal qu’en y entrant. Pour cela, une nouveau dialogue doit être noué avec le corps médical et, plus généralement, le corps de santé. Le médecin doit apporter écoute, respect et espoir et essayer d’être « un enchanteur dans un monde désenchanté » (Christian Hervé).

Références
Cristeva J.,
« Lettre au Président de la république sur les citoyens en situation de handicap« , Fayard, 2003, Paris.
Dictionnaire critique d’action sociale.
Hamonet Cl., « Les personnes handicapées« , quatrième édition, Que Sais-je ? PUF, 2004.
Hamonet Cl., « Lettre à Monsieur Jaques Chirac, Président de la République, à propos du Handicap et des personnes qui vivent des situations de handicap« , Connaissances et Savoirs, 147-149 rue Saint-Honoré 75001 Paris, novembre 2004.
Hamonet Cl, Jouvencel M. de, « Handicap, les mots pour le dire, les idées pour agir« , Connaissances et Savoirs, 147-149 rue Saint Honoré 75001 Paris, novembre 2004.
Thomas L.V., « Rites de mort« .
Van Gennep A., « Coutumes et croyances populaires en France« , Le Chemin vert, Paris.

Ce texte a fait l’objet d’une communication au deuxième colloque scientifique « Annonces et découvertes du handicap mental aujourd’hui », Espace Reuilly, Paris, 10 décembre 2004.


Article réalisé par le Professeur Claude Hamonet
© http://claude.hamonet.free.fr/fr/art_annonce.htm

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Thématique – L’orientation des parents

« Une fois que les mots sont posés, comment (via le réseau) orienter les parents vers l’accueil de leur enfant ? Comment donner des ressources aux familles, aux professionnels… sachant que l’obligation d’accueil pour tous est inscrite dans le droit commun ? ».


Articles publiés sur ce thème :

* Rubrique « S’informer », nouvelles fiches pratiques
Les missions des RAM – Relais assistants maternels

* Rubrique « S’informer », nouvelles références bibliographiques
ALLOCATIONS FAMILIALES – Petite enfance et handicap ; La prise en charge des enfants handicapés dans les équipements collectifs de la petite enfance
FILE – L’inclusion des enfants en situation de handicap dans les milieux d’accueil de la petite enfance
GARDOU Charles – La société inclusive, parlons-en ! Il n’y a pas de vie minuscule
HERROU C. & KORFF-SAUSSE S. – L’Intégration collective de jeunes enfants handicapés
Revue EMPAN, n°93 – Lieux d’accueil, petite enfance et handicap
SCELLES Régine (ed.) – Famille, culture et handicap

* Rubrique « Partager », nouveaux éclairages
Les partenaires qui orientent les familles vers l’accueil de leur enfant en milieu ordinaire, et donnent des ressources aux parents et aux professionnels
Les modalités particulières proposées par les collectivités locales aux familles pour accueillir les enfants en situation de handicap en milieu ordinaire
La communication faite par les collectivités locales sur l’accueil des enfants en situation de handicap en milieu ordinaire

* Rubrique « Partager », nouveaux témoignages
– 
De l’inscription à la mise en place de l’accueil d’un enfant en situation de handicap…

L’Esperluette, un lieu dédié aux familles

Le travail d’accompagnement des familles proposé par L’Esperluette, suite à l’annonce du handicap.

Aujourd’hui, les familles accueillies à L’Esperluette ont déjà été confrontées à l’annonce du handicap de leur enfant…

Mais je me souviens de parents qui étaient venus très inquiets. Ils avaient déjà fait un premier pas… Ils étaient venus car à l’hôpital des Enfants, sortis du bureau du médecin, on leur avait fait une annonce : votre fille a « cela ». Peut-être que les médecins ont dit d’autres choses que les parents n’ont pas su / pu entendre, mais ils sont sortis de cet entretien sans aucun support, sans aucun lien entre le médical et le domicile… Ils ont trouvé une plaquette de l’association dans la salle d’attente. L’Esperluette était ce sas entre un milieu très médicalisé, entre ce qu’ils ont vécu, et le retour à domicile, sans savoir ce que l’on fait de « cela »… Leur question était de savoir comment en parler à leur fille.

« On leur permet de se positionner en tant que parents, de maintenir et de développer leur parentalité, et leurs propres projets, et qu’ils en soient assurés. »

Nous n’avons pas de solutions, de conseils à apporter aux parents. Il s’agit d’un cheminement d’écoute et d’accompagnement de la réflexion à apporter aux parents. Rien que le fait de les accueillir, de s’asseoir, de leur offrir un café, et de les écouter poser leurs questions, les aident à poser eux-mêmes les jalons avec des éléments de réponse. Je ne vais faire que questionner, pour les aider dans leur démarche de réflexion ; pour que, petit à petit, ils arrivent à trouver leurs propres solutions, qui seront pensées par eux, qui leur appartiendront, sans juger quoi que ce soit.

Un cheminement de réflexion que j’illustre par d’autres réflexions, d’autres témoignages, de manière à ce que chacun pioche, dans ce que je vais apporter, quelque chose dont il va s’emparer pour construire ses propres réponses… On est dans de l’humain, des situations tellement particulières, tellement personnelles : les personnes les mieux placées sont les demandeurs eux-mêmes… Les amener à se poser des questions, à poser des priorités, sur la manière dont, au quotidien, par exemple ils communiquent dans leur famille, est-ce qu’ils jouent entre eux… afin de trouver, dans leurs habitudes, le moment opportun pour en parler à leur enfant. Les questionner permet de mieux les connaître et les aident à se connaitre eux-mêmes. Ceci pour que, dans leur propre quotidien, ils trouvent des éléments adaptés pour répondre à leurs questionnements.

En retour, les parents me disent « merci, vous nous avez aidé à tout poser sur la table et à y mettre de l’ordre. C’est ce qui va nous faire repartir sur de meilleures bases ; avoir les billes pour prendre des décisions ; faire des choix éclairés, car on est à nouveau à notre place, et que l’on va oser dire « notre projet c’est cela ».

C’est vraiment une des bases à L’Esperluette de respecter les projets des parents, de les rassurer sur les compétences qu’ils ont tous, car ils sont, avant tout, parents.

Françoise LACAZE, responsable de L’Esperluette

En savoir plus sur les temps d’accompagnement proposés par L’Esperluette :
http://lesperluette31.wifeo.com/accueil-et-rencontre-personnalisee.php
http://lesperluette31.wifeo.com/cafe-des-parents.php

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La découverte d’une malformation pendant la période périnatale

Le projet d’enfant est toujours un projet grandiose. Les futurs parents espèrent que leur enfant sera  à leur image et à leur ressemblance, et même mieux qu’eux. Il aura une belle vie, il sera heureux et préservé du malheur. Ils espèrent également qu’ils seront – s’efforceront d’être – de bons parents : aussi bien voire mieux que l’ont été leurs propres parents. C’est l’espoir fou des commencements.

A l’annonce d’une anomalie, tous ces projets sont remis en cause. La découverte d’une malformation ou d’une anomalie fœtale, pendant la grossesse ou au moment de l’accouchement  provoque une grave turbulence  émotionnelle chez les futurs parents. Les déflagrations provoquées par un tel traumatisme provoquent des réactions violentes. La déception, le rejet, la colère, le sentiment d’injustice, la honte, remplacent l’attente joyeuse et impatiente de l’enfant à venir, l’amour naissant dont il était investi, les projets construits autour de lui. Ces réactions sont l’expression immédiate de la blessure « narcissique », c’est-à-dire d’amour propre que provoque cette découverte. C’est ce que l’on peut appeler « l’effet annonce ». A cette blessure s’ajoutent, surtout chez les mères, des sentiments d’incapacité, de culpabilité de n’avoir pas su « fabriquer » un enfant  comme les autres. L’ensemble de ces réactions sont normales, communes à tous, qu’elles soient explicitées ou soigneusement cachées.

Il y a cependant une différence fondamentale entre une découverte en anténatal et une découverte à la naissance. Avant la naissance, futurs parents et soignants sont confrontés à la possibilité d’une interruption de grossesse. Cette possibilité d’avoir le choix, donnée par la loi, est une épreuve douloureuse, et  constitue le ressort dramatique du dépistage anténatal.   Après la naissance ce choix se ferme définitivement.

La loi autorise l’interruption de grossesse en fonction de la gravité de la malformation découverte, et en fonction de ses  possibilités thérapeutiques. Face à cela, les parents se trouvent  confrontés à des dilemmes quasiment insolubles: « Est-ce que nous sommes capables, en tant que couple et en tant que parent – de supporter un enfant malade ?…   Est-ce que nous sommes capables de nous engager pour toute une vie ou pas ?… Est-ce que nous avons le droit de mettre au monde un enfant avec un handicap ?… Est-ce qu’il n’est pas susceptible de me le reprocher plus tard ? ». La décision des parents va se prendre suivant les réponses apportées à ces différentes questions, et en fonction de la gravité de l’atteinte. La décision finale, d’interrompre ou non la grossesse, sera fonction du compromis trouvé  entre la position des futurs parents et celle des médecins.

Dans la grande majorité des cas, l’anomalie découverte n’empêche pas la poursuite de la grossesse. Progressivement, après le désarroi  initial, un processus de cicatrisation de la blessure psychique va débuter pour les futurs parents. Ce sera plus ou moins long, plus ou moins douloureux, selon la personnalité de chacun et selon leurs capacités à faire face à la déception initiale. La blessure affective va  cependant laisser des traces plus ou moins faciles à supporter : toute guérison, même la plus complète laisse des cicatrices.

La découverte d’une anomalie à la naissance est tout autant dramatique, mais dans le postnatal, le bébé est présent. Aussi décevante soit-elle, la rencontre se fait.  Même si les parents ressentent un fort sentiment d’injustice, de rejet, ils sont obligés de faire alliance avec les médecins pour trouver les meilleures solutions de soins pour leur enfant.

Je n’ai pas parlé, volontairement, de découverte de « handicap », mais de découverte de « malformations ou d’anomalie ». Ce n’est en effet que plus tard, en fonction des séquelles résiduelles somatiques, psychiques ou affectives  et de leurs impacts sur la vie de l’enfant, que l’on pourra mesurer le handicap.

Anne-Marie RAJON,
Psychiatre,  psychanalyste


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Thématique – L’annonce du handicap

« Retentissement et impact de l’annonce du handicap pour les parents et les professionnels » en termes de « suspicion » (on fait des constats, on observe…), de « dépistage » (on active le réseau pour savoir…) et de « suite au diagnostic » (on est en lien avec les professionnels du secteur médical…) ».


Articles publiés sur ce thème :

* Rubrique « S’orienter », nouveaux partenaires
SOS Préma
TSA 31
Unis-Cité / Famille en harmonie

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La MDPH : un lieu unique pour l’accès aux droits pour les familles
Les prestations familiales pour soutenir l’enfant et sa famille
Allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH)
Prestation de compensation du handicap (PCH)… pour les enfants
Complément AEEH ou PCH, comment choisir ?

* Rubrique « S’informer », nouvelles références bibliographiques
Bazin A.-L., Ebersold S. & Cie – Le temps des servitudes
Ebersold S. – Parents et professionnels face au dévoilement du handicap
Mission Handicap AP-HP – L’annonce du handicap en maternité
La démarche d’observation auprès du jeune enfant

* Rubrique « Partager », nouveaux éclairages
Annonce et découverte du handicap…
La découverte d’une malformation pendant la période périnatale

* Rubrique « Partager », nouveaux témoignages
Bienvenue en Hollande
L’Esperluette, un lieu dédié aux familles…
La découverte du handicap : Quel travail d’échange entre les parents et l’équipe ? Comment s’établit-il ? Quels outils sont mis en place par l’équipe ?

Bienvenue en Hollande

On me demande souvent de décrire mon vécu en tant que mère d’un enfant handicapé, afin d’aider les gens qui ne connaissent pas cette expérience unique, à comprendre, à imaginer comment ce serait. C’est un peu comme ceci…

Attendre un enfant, c’est comme organiser un grand voyage fabuleux – en Italie. Vous achetez des tas de guides touristiques, vous faites des projets magnifiques : le Colisée, le David de Michel-Ange, les gondoles à Venise. Vous apprenez quelques phrases en Italien. Tout cela est très stimulant. Après des mois d’attente impatiente, le jour J arrive enfin. Vous faites vos bagages et vous partez….

Quelques heures plus tard, l’avion atterrit. L’hôtesse de l’air entre et dit : « Bienvenue en Hollande ! ». « En Hollande ?!… », vous dites, « …Mais je m’étais inscrite pour l’Italie. Je suis censée être en Italie. Toute ma vie, j’ai rêvé d’aller en Italie ! ». Mais il y a eu un changement dans le plan de vol. Ils ont atterri en Hollande et il faudra bien y rester. Heureusement, on ne vous a pas emmené dans un lieu horrible, dégoûtant et sale, infesté de famine et de maladies.

C’est simplement un endroit différent. Il vous faut donc aller acheter de nouveaux guides. Et apprendre une nouvelle langue. Et cela vous permet de rencontrer des personnes que vous n’auriez jamais rencontrées autrement.
C’est simplement un endroit différent. Le rythme de vie y est plus calme qu’en Italie. C’est moins exubérant que l’Italie.

Mais après y avoir séjourné quelque temps, vous retenez votre respiration, regardez autour de vous… et vous commencez à vous apercevoir qu’en Hollande il y a des moulins à vent, des tulipes, et même des Rembrandt.
Mais tous ceux que vous connaissez sont affairés à aller en Italie et en revenir, et tous se vantent des moments merveilleux qu’ils y ont passé. Et pour le restant de votre vie, vous direz : « Oui, c’est là que je devais aller moi aussi. C’est ce que j’avais prévu. »

Et cette douleur ne s’en ira jamais, jamais… parce que la perte de ce rêve est une perte très significative.
Mais si vous passez le reste de votre vie à pleurer le fait que vous ne soyez pas allés en Italie, vous ne serez jamais libre d’apprécier toutes les choses belles et spéciales de la Hollande.

Par Emily Perl Kingsley, 1987
©1987 by Emily Perl Kingsley.
All rights reserved. Reprinted by permission of the author.

 

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Julien en halte-garderie…

Julien n’avait aucun traitement en dehors de ses rééducations 2 fois par semaine dans un centre spécialisé, il avait une vie de petit garçon. Il allait aussi en halte-garderie au moins 2 fois par semaine, lorsque celle-ci est ouverte. Julien a une malformation du cervelet, cela touche l’équilibre, la coordination et bien d’autres choses, mais il comprend tout et sait se faire comprendre. Il sait ce qu’il veut.

Nous avions appris le handicap de Julien quand il avait 7 mois. Julien ne faisait rien et l’ophtalmo lui a prescrit un scanner cérébral. Après quelques jours d’attente, un entretien dur et douloureux dans un bureau face à un neurologue pédiatre, qui a essayé de nous expliquer au mieux ce qu’avait Julien.

On ne comprend pas, la douleur est tellement profonde, quelques mots arrivent au fur et à mesure, mais on ne peut plus avancer. On entre dans un gouffre, on étouffe de souffrance, d’impuissance, et on n’a pas de solution réelle. Notre vie bascule et on ne peut rien y changer, notre vie ne sera plus jamais insouciante.

Il faut se battre : d’abord contre cette souffrance, cette impuissance, pour finir par accepter, afin d’aider au mieux notre enfant. Le chemin est long, les rêves beaux, mais au réveil, la réalité vous resurgit en pleine figure et il faut l’affronter ! Accepter est un long chemin, plein de questions et d’embûches, mais je voulais aider Julien au mieux : qui, à part nous, ses parents, auraient pu l’aider ?

Julien est allé en halte-garderie, mais ce n’est pas le centre médico-social, qui le suivait, qui nous l’a proposé. Lorsque j’ai sollicité la directrice de la halte-garderie pour y intégrer Julien, je ne pensais pas qu’elle l’accepterait. J’ai eu un premier entretien avec elle, pour lui expliquer les capacités et les besoins de Julien. Elle a pris son inscription, et Julien a eu 15 jours d’adaptation. Il a commencé par 30 minutes, qui se sont vite transformées en une heure puis 1h30.

Il était ravi et nous aussi d’ailleurs. Julien y allait si possible 2 fois 2 h à 2 h 15 par semaine. Au bout de quelques jours, il y goûtait avec ses copains, il apportait des chocolatines ! Lorsque nous arrivions avec Julien, tout le monde lui disait « bonjour » lui demandait comment il allait : un enfant à part entière.

Il a ainsi appris à jouer, chose qu’au centre spécialisé il n’avait pas apprise. À la halte-garderie, il a appris à jouer avec les autres, à partager les adultes et il était bien. Il y était pris en charge par une puéricultrice qui s’occupait beaucoup de lui, ainsi qu’une stagiaire éducatrice de jeunes enfants ; elle jouait avec lui et d’autres enfants autour de la table, le faisait marcher, lui racontait une histoire. Il se sentait aimé par les personnes qui l’entouraient.

Elles n’hésitaient pas à poser des questions si besoin, et ne le laissaient pas tout seul dans un coin. Il avait la même place que les autres et a beaucoup progressé dans cette halte-garderie, il réalisait des petits jeux éducatifs, y allait avec grand plaisir, et y avait une vraie vie sociale.

J’aurais aimé que le centre spécialisé m’incite à le mettre à la halte-garderie bien plus tôt. Je n’ai appris cette possibilité que trop tardivement par l’Éducation Nationale et une association.

M. B., maman de Julien, 3 ans

 

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Pourquoi ne pas jouer « cartes sur table » quand on parle de handicap ?

Mon petit garçon de 6 ans serait atteint de dyspraxie, mais le diagnostic n’a pas encore été posé. Il est suivi par un centre médico-psycho-pédagogique (CMPP), par une équipe pluridisciplinaire qui connaît son travail, qui sait poser un diagnostic, qui a l’habitude d’accompagner des enfants porteurs de cette maladie. Mais même s’ils ont vu plusieurs fois mon enfant, ils ne me disent pas ce qu’il a…

Les professionnels que nous rencontrons ne mettent pas tout sur le carreau : nous ne savons pas exactement ce qu’à notre enfant, comment et à quel moment nous devons réagir. Comme tout parent, nous sommes désarmés face à certaines situations : les enfants ne sont pas fournis avec un mode d’emploi ! Pourquoi ne pas jouer « cartes sur table » quand on parle de handicap ?

Pourquoi les professionnels tournent les choses de manière incompréhensible, trop thérapeutique ? Tout le monde n’a pas un bac + 5 ou une spécialisation en médecine ! Pourquoi les professionnels n’osent pas nous dire les choses telles qu’elles sont ? Dans notre cas, il ne s’agit pas d’urgence vitale, d’un anévrisme rompu, d’une artère au cœur bouchée… Pourquoi ne pas dire les choses directement, alors que l’équipe a quand même fait du très bon boulot avec notre enfant ? Alors que notre petit a fait d’énormes progrès ?

La seule chose que nous disent les professionnels, est qu’ils ont l’intention de le mettre dans une école spécialisée. Cette année, notre enfant sera suivi en consultation par l’équipe du CMPP, qui va rechercher une place dans un institut spécialisé pour l’année prochaine. L’objectif est de lui éviter les va-et-vient, de le placer dans un lieu médicalisé où tout est centralisé, de lui éviter de rencontrer trop de personnes différentes. A chaque fois qu’il rencontre de nouvelles personnes, il montre vraiment son mécontentement…

Cette année, notre enfant est en maternelle. D’un commun accord avec l’équipe des professeurs, il refait une deuxième année de dernière section : c’est le mieux pour lui. Pourtant, même si cela fait 3 ans qu’il va dans cette école, c’est toujours aussi le « bazard ». L’équipe a beau être prévenue qu’il n’est pas propre, qu’il a des problèmes intestinaux, qu’il faut faire attention à ce qu’il mange, qu’il faut lui dire d’aller aux toilettes… c’est toujours la même chose ! Tous les 6 mois, le personnel change, et nous retrouvons notre enfant qui n’a pas mangé son goûter, qui fait des infections urinaires le week-end…

Nous avons fait plusieurs bilans, mais personne ne veut nous montrer leurs résultats. Nous voulons être surs et certains que notre enfant n’est pas atteint de dyspraxie, pour adapter les soins. Cependant, l’équipe du CMPP ne nous dit rien, et nous déconseille même d’aller voir un neuropédiatre… On nous avait conseillé d’en voir un, histoire de comprendre ce qu’il a, d’identifier tous les blocages… Pourquoi, aujourd’hui, nous dit-on que « ce n’est pas nécessaire », que « le neuropédiatre ne vous dira rien d’autres », que « vous aurez attendu plusieurs mois pour un entretien qui ne servira à rien » ?

L’orthophoniste de notre fils, une professionnelle compétente et adorable, nous dit qu’il a une dysphasie. En revanche, elle ne sait pas s’il a ou non une dyspraxie associée. Cela s’est déjà vu, cela est possible… mais nous n’en savons pas plus. Compétents ou non, les professionnels sont débordés, et n’arrivent pas à nous aider comme il se doit. De notre côté, nous avons fait toutes les démarches nécessaires (MDPH, AEEH, taxi, etc.), et j’ai même arrêté de travailler pour être à ses côtés…

Aujourd’hui, nous en sommes là. Nous aimerions savoir ce qu’a notre enfant. Plus tard nous serons informés de ce qu’il a réellement, plus il prendra aussi du retard, plus il mettra du temps à évoluer. En outre, plus il grandit, plus il s’isole des autres… Oui, nous aimerions rapidement comprendre ce qu’il a, pour pouvoir l’aider à grandir comme il se doit.

M. C., père de Corentin, 6 ans

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Comment une crèche parentale a participé à la création du livre « Un petit frère pas comme les autres »

Un petit garçon était à la crèche… dans les années 1984-1985-1986. Quand il avait 2 ans, son grand père paternel est décédé et ses parents ont demandé conseil aux éducatrices pour parler de ce deuil avec leur enfant. Le livre « Au revoir blaireau » leur a été indiqué et les a aidés. En 1987, sa petite sœur naît. Elle n’est pas « comme les autres », car elle est porteuse d’une anomalie chromosomique, la trisomie 21.

Avant son arrivée à la crèche, prévue à l’âge de 6 mois, des recherches bibliographiques sont effectuées mais il y a peu d’ouvrages consacrés à la trisomie 21. Un partenariat se met en place avec un service de soins, le Service de Soins et d’Education à Domicile de l’Institut Médico-Educatif du Val Fleuri, institution spécialisée dans l’accueil des enfants trisomiques et gérée par l’ADAPEI (Association Départementale des Amis et Parents d’Enfants Inadaptés).

Les parents de cette fillette et d’autres parents de la crèche parentale avaient besoin d’un support écrit afin de parler de la trisomie. Malgré des recherches importantes, et n’ayant pas trouvé d’album traitant ce sujet, ils ont sollicité les professionnels de la crèche, des instituteurs déjà confrontés à cette situation ainsi que l’équipe du Val Fleuri.

Un collectif de réflexion « trisomie 21 et petite enfance » se constitue et se réunit régulièrement à la crèche. Ces rencontres ont permis d’élaborer une histoire empreinte de l’expérience, des moments difficiles ou au contraire enrichissants de chacun. Parmi les nombreux éditeurs contactés, Bayard a répondu positivement à ce projet. Marie-Hélène Delval et Susan Varley l’ont mis en forme et illustré. L’histoire est d’abord sortie dans le numéro 222 des Belles Histoires de Pomme d’Api de mars 91, sous le titre « Un petit frère pas comme les autres ».

Un colloque a été organisé à Ramonville sur l’annonce du handicap à l’occasion de la sortie de ce numéro des Belles Histoires, colloque auquel avait participé M.-H. Delval. Ce n’est que plus tard que la sortie en album a été décidée, ce qui en a assuré la pérennité.

Preuve s’il en est, que la mise en synergie des idées fait avancer et progresser le regard que l’on peut porter sur les enfants différents. Vingt ans plus tard, cette belle histoire est toujours une référence sur ce sujet et en est à sa 10ème réédition…

Mme Z., éducatrice de jeunes enfants et directrice d’une crèche associative

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