La découverte d’une malformation pendant la période périnatale

Le projet d’enfant est toujours un projet grandiose. Les futurs parents espèrent que leur enfant sera  à leur image et à leur ressemblance, et même mieux qu’eux. Il aura une belle vie, il sera heureux et préservé du malheur. Ils espèrent également qu’ils seront – s’efforceront d’être – de bons parents : aussi bien voire mieux que l’ont été leurs propres parents. C’est l’espoir fou des commencements.

A l’annonce d’une anomalie, tous ces projets sont remis en cause. La découverte d’une malformation ou d’une anomalie fœtale, pendant la grossesse ou au moment de l’accouchement  provoque une grave turbulence  émotionnelle chez les futurs parents. Les déflagrations provoquées par un tel traumatisme provoquent des réactions violentes. La déception, le rejet, la colère, le sentiment d’injustice, la honte, remplacent l’attente joyeuse et impatiente de l’enfant à venir, l’amour naissant dont il était investi, les projets construits autour de lui. Ces réactions sont l’expression immédiate de la blessure « narcissique », c’est-à-dire d’amour propre que provoque cette découverte. C’est ce que l’on peut appeler « l’effet annonce ». A cette blessure s’ajoutent, surtout chez les mères, des sentiments d’incapacité, de culpabilité de n’avoir pas su « fabriquer » un enfant  comme les autres. L’ensemble de ces réactions sont normales, communes à tous, qu’elles soient explicitées ou soigneusement cachées.

Il y a cependant une différence fondamentale entre une découverte en anténatal et une découverte à la naissance. Avant la naissance, futurs parents et soignants sont confrontés à la possibilité d’une interruption de grossesse. Cette possibilité d’avoir le choix, donnée par la loi, est une épreuve douloureuse, et  constitue le ressort dramatique du dépistage anténatal.   Après la naissance ce choix se ferme définitivement.

La loi autorise l’interruption de grossesse en fonction de la gravité de la malformation découverte, et en fonction de ses  possibilités thérapeutiques. Face à cela, les parents se trouvent  confrontés à des dilemmes quasiment insolubles: « Est-ce que nous sommes capables, en tant que couple et en tant que parent – de supporter un enfant malade ?…   Est-ce que nous sommes capables de nous engager pour toute une vie ou pas ?… Est-ce que nous avons le droit de mettre au monde un enfant avec un handicap ?… Est-ce qu’il n’est pas susceptible de me le reprocher plus tard ? ». La décision des parents va se prendre suivant les réponses apportées à ces différentes questions, et en fonction de la gravité de l’atteinte. La décision finale, d’interrompre ou non la grossesse, sera fonction du compromis trouvé  entre la position des futurs parents et celle des médecins.

Dans la grande majorité des cas, l’anomalie découverte n’empêche pas la poursuite de la grossesse. Progressivement, après le désarroi  initial, un processus de cicatrisation de la blessure psychique va débuter pour les futurs parents. Ce sera plus ou moins long, plus ou moins douloureux, selon la personnalité de chacun et selon leurs capacités à faire face à la déception initiale. La blessure affective va  cependant laisser des traces plus ou moins faciles à supporter : toute guérison, même la plus complète laisse des cicatrices.

La découverte d’une anomalie à la naissance est tout autant dramatique, mais dans le postnatal, le bébé est présent. Aussi décevante soit-elle, la rencontre se fait.  Même si les parents ressentent un fort sentiment d’injustice, de rejet, ils sont obligés de faire alliance avec les médecins pour trouver les meilleures solutions de soins pour leur enfant.

Je n’ai pas parlé, volontairement, de découverte de « handicap », mais de découverte de « malformations ou d’anomalie ». Ce n’est en effet que plus tard, en fonction des séquelles résiduelles somatiques, psychiques ou affectives  et de leurs impacts sur la vie de l’enfant, que l’on pourra mesurer le handicap.

Anne-Marie RAJON,
Psychiatre,  psychanalyste


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