La sensibilisation à la différence : la malette de l’Esperluette

En tant que crèche associative, nous souhaitions aborder la question du handicap avec les tout-petits, de manière différente. Nous avons pris contact avec L’Esperluette qui menait un projet de création de mallettes de sensibilisation au handicap pour un public de jeunes enfants…

Avec d’autres partenaires, l’idée de départ était de présenter le prototype de la mallette, d’échanger sur son utilisation auprès des tout-petits, voir si elle pouvait être un objet médiateur dans ce cadre.

Du côté de l’équipe, cette nouvelle expérience a permis de  soulever des questions essentielles, de poser des mots autour de l‘angoisse, le rejet, la peur, la crainte…

Voici quelques extraits des propos des membres de l’équipe :

« Les personnages ne sont pas séduisants […]le handicap ne l’est pas non plus ».

« On a des vécus, des histoires différentes et la « relation » avec le handicap sera différent selon chacun. »

« Le fait de réfléchir en amont à cette question permet de mieux appréhender la rencontre avec le handicap, trouver les mots et les attitudes qui nous seront propres, mais qui  viennent d’une réflexion commune, et qui permettront donc une action cohérente. »

« Etre en équipe face à cela permet de relativiser et de ne pas se sentir seul… lorsqu’on a des doutes on peut se tourner vers l’autre… Etre ensemble nous rassure sur notre démarche »

Du côté des enfants, la présence de poupées différentes parmi les autres jouets a suscité  de la crainte, la curiosité, l’envie de toucher sans oser, puis le déshabillage mais également du rejet. Elles ne les ont pas laissé indifférents…

Elles étaient « plus grandes » (ils se sont mis le bonnet sur la tête) ; elles avaient des formes différentes, des membres parfois raides (peu de maternage : bercer, donner le biberon), des jambes arquées (portage sur les épaules)… Elles n’étaient assurément pas comme les autres.

Les enfants ont cherché des façons de jouer avec, seuls ou parfois en interpellant les adultes (parents, équipe) sans obtenir de consignes en retour. Nous avons accompagné leur présence par des lectures sélectionnées.

Au bout de 3 semaines, les poupées n’étaient pratiquement plus sorties de l’étagère. Délaissement ? Intégration complète et réussie ? Chacune a son opinion dans l’équipe…

Pour les parents, cette expérience a été « hard », « space ».

Un jeudi matin, l’artiste et la responsable sont venues. Elles ont apporté une valise rouge, qui contenait une poupée en fauteuil roulant, des casques pour ne rien entendre, des lunettes pour ne rien voir. Puis Elsa, Paul et Léo sont repartis dans la valise retrouver leur copine et les livres. Elles allaient vers d’autres rencontres dans un Centre de Loisirs…

D’autres outils de sensibilisation ont donné à l’équipe le moyen de se nourrir par ailleurs (ouvrages pour enfants, conférences, création de spectacle,…) ou encore de participer à des temps de réflexion collective autour de l’accueil du handicap dans nos structures coordonnées par Cocagne Acepp 31.

En résumé, cet épisode a permis de travailler sur le fond :

  • Accueillir un enfant diffèrent, c’est accepter d’être dérouté par lui, bousculer dans sa pratique.
  • Ce n’est pas la nature du handicap qui est la plus importante mais la capacité de la structure à s’adapter, à la prendre en compte dans son accueil.
  • Cela pose la question permanente des règles de la structure et de leur évolution.

Mme T., éducatrice dans une crèche associative

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L’importance du travail en réseau

« En qualité de directrice d’une crèche familiale, mon rôle est de coordonner l’accueil des enfants et de mettre en place un réseau, qui concerne :
– d’un côté, l’enfant sa famille et l’assistante maternelle ;
– de l’autre, l’équipe soignante (médecin de crèche, médecin coordinateur et intervenants paramédicaux).

L’objectif de ce partenariat est de faciliter l’intégration de l’enfant au domicile de l’assistante maternelle ; pour faire en sorte qu’elle connaisse les compétences de l’enfant, qu’elle prenne conscience de ses besoins propres et qu’elle soit en mesure d’y répondre en toute sécurité.

La coordination de l’information est un réel support pour les familles qui n’ont pas besoins de répéter l’histoire « douloureuse » de la pathologie de leur enfant.

L’accueil en structure permet à la famille :
– de reprendre une activité et de renouer avec une vie sociale ;
– de leur laisser le temps d’être plus disponible pour un autre enfant de la fratrie ;
– d’avoir l’opportunité de se sentir moins « seul » à porter le quotidien (d’ordinaire très chargé avec un enfant en bas âge ; d’autant plus chargé du fait des soins qui se rajoutent et de la charge affective et émotionnelle occasionnée par la maladie).

Pour les deux situations que nous avons rencontrées, le « handicap » était connu avant l’entrée en crèche. Nous n’avons pas eu à annoncer l’inacceptable. Les familles nous ont perçus comme un soutien d’entrée de jeu.

L’exercice professionnel à domicile de l’assistante maternelle peut être considéré comme un accueil individualisé qui permet à l’enfant d’appréhender la collectivité sans en vivre les inconvénients (environnement moins bruyant, référents unique, repères de lieu facilités, etc.). De ce fait, il peut représenter un milieu plus adapté à des enfants qui requièrent une attention spécifique.

Cependant, l’assistante maternelle étant seule chez elle avec plusieurs petits et sans relais possible, cet exercice peut s’avérer être difficile (physiquement, émotionnellement…). Cette dimension est en prendre en compte et l’accueil d’enfant « différent » doit être fait avec l’accord préalable du professionnel qui, après avoir pris connaissance de la situation, peut être en mesure de refuser l’accueil ou de l’accepter.

Le quotidien doit être accompagné par le réseau des soignants, et bien sûr soutenu par l’encadrement de la crèche. Les visites à domicile, l’aide sur les temps forts, des entretiens réguliers sont autant de moyens qui pourront aider à prendre en compte les difficultés et les dépasser !

Ce travail de partenariat permet d’effectuer un suivi de l’évolution de l’enfant sur ces temps d’accueil et d’en évaluer la pertinence. Les observations de l’assistante maternelle sont précieuses pour les parents et pour les bilans médicaux programmés régulièrement.

Il ne faut pas perdre de vue que ces familles et leur enfants restent des personnes à part entières et ont besoin d’être considérées au même titre que les autres familles. Le rejet et l’isolement qui accompagnent souvent leur problématique, ne doivent pas être vécus dans nos structures.

Notre mission est de laisser le temps aux familles de « s’adapter  » à la différence de leurenfant, de se « poser » et de se sentir épaulées. Ce temps peut leur donner l’opportunité de cheminer et d’envisager un futur pour leur enfant. Souvent, ces enfants ne quitteront pas la crèche pour aller à l’école comme tous les parents le souhaitent mais seront accueillis en centre de soins spécialisés. »

Mme B.., infirmière-puéricultrice.
directrice d’une crèche familiale

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Le soutien entre professionnels

« Ma mission était d’accueillir  « Jules » et sa famille avec sa différence ; tel qu’il était, sans jugement.

Cet accueil a été une expérience professionnelle très riche car, plus encore que pour les autres enfants, il m’a fallu réajuster mes gestes, ma communication… pour être en mesure de l’accompagner avec sa spécificité et pour répondre à ses besoins. « Jules » présentait une maladie évolutive et il fallait se réadapter sans cesse.

Il était suivi par une équipe médicale de Paul Dotin. L’orthophoniste et la kinésithérapeute s’étaient déplacées à mon domicile (qui est également mon lieu de travail) pour me montrer comment l’asseoir pour le repas (il pouvait faire des fausses routes), comment le manipuler pendant la journée, pour la sieste, pour le jeu, etc. Tous ces gestes ne sont pas évidents à mettre en œuvre quand on est seule avec trois enfant en bas âge.

Je lui avais organisé un espace de jeux, au sein de la maison, dans lequel il pouvait vivre à son rythme et à sa manière, et choisir lui-même les jouets qui lui plaisaient. Je me souviens qu’il avait une préférence pour une voiture jaune !

Cet échange m’a enrichie sur le plan humain. J’ai était aidée par la directrice de la crèche qui m’a soutenue moralement. Au bout d’un an, et après concertation avec les parents et la directrice, j’ai pu passer le relais à l’institution qui a pérennisé les soins à temps complet. Pour être honnête, je souffrais de mal de dos (cet enfant avait plus de trois ans à la fin de l’accueil), et je n’aurai pas pu continuer seule du fait du caractère physique que son accompagnement représentait. »

Mme R., assistante maternelle en crèche familiale,
a accueilli un petit garçon âgé de 2 ans et demi,
qui présentait un retard psychomoteur et cognitif global,
sans diagnostic médical…

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Un accueil possible…

« C’est une approche différente de mes expériences antérieures car la communication avec « Lola » passe beaucoup par le sensoriel. Les échanges du regard, le contact par le toucher (pour calmer ses angoisses et apaiser les moments forts en émotion), la tonalité de la voix pour capter son attention sont essentiels. De fait, ce sont des moments de vie et de partage très intenses.

Un kinésithérapeute vient à mon domicile une fois par semaine, la psychomotricienne une fois toutes les trois semaines et il m’arrive d’avoir des contacts téléphoniques avec l’orthophoniste.

L’échange direct avec toutes ses intervenantes m’apportent beaucoup pour connaître les moyens à mettre en œuvre concernant la stimulation, la déglutition, les techniques et la façon de communiquer avec « Lola », pour attirer son attention et l’inciter à participer.

Au niveau professionnel, c’est une expérience très enrichissante. Il y a beaucoup d’échange avec les parents de « Lola », ce qui nous permet d’aborder tous les petits problèmes du quotidien sans gêne, avec humanité et en toute confiance.

La communication avec cette enfant demande beaucoup de patience, de persévérance, de douceur, d’optimisme.

Sur le plan humain nous vivons des situations fortes émotionnellement qui permettent de « recadrer »  les choses essentielles de la vie et de minimiser les petits « bobos ».  J’accepte de prolonger cet accueil une année supplémentaire ».

Mme D., assistante maternelle en crèche familiale.
a accueilli « Lola », trois ans,
présentant un retard psychomoteur et cognitif général,
sans diagnostic médical posé…

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